Le projet de Villeneuve-sur-Allier

Dominique DESFORGES-DESAMIN, Maire de Villeneuve-sur-Allier

Entretien avec le Maire

 Quand avez-vous su que le contournement, attendu par certains Villeneuvois depuis 50 ans, allait devenir réalité ? 

En cinq décennies, il a été annoncé plusieurs fois, et reporté. Les Villeneuvois étaient échaudés (voire résignés) surtout après la construction des ouvrages d’art qui ont commencé en 2010 !! C’est devenu une réalité en 2017, après 5 ans d’attente à nouveau, avec les premiers travaux de terrassement. La «route des vacances» qui est devenue pour les Villeneuvois la «route des nuisances» avec 20000 véhicules/jour dont 5.000 poids lourds (faisant au passage de Villeneuve-sur-Allier la commune la plus polluée de l’Allier), allait enfin voir disparaître ce flux incessant. A partir de là, il devenait nécessaire de préparer l’avenir et de repenser le village, nous pouvions commencer à réfléchir et inventer un autre futur…. 

Comment avez-vous procédé ? 

Il y a plein d’angles d’attaques et les services de l’État (DDT 03) nous ont beaucoup aidés avec des approches structurantes. Dès 2017, nous avons lancé une révision du PLU (Plan Local d’Urbanisme), ainsi qu’une étude en parallèle «Villeneuve 2030» avec un premier bilan des atouts et faiblesses de notre village. Il en ressort que les thèmes comme l’habitat, le commerce et l’artisanat, la mobilité, les espaces publics, le patrimoine, la cohésion sociale seront bien évidemment au coeur de nos projets. Un Plan Paysage est également en cours… Même si nous voulons garder notre relation historique et génétique avec la RN7 et un certain «art de vivre» local lié à cette histoire, nous devons nous tourner vers l’avenir et intégrer les nouvelles technologies à notre réflexion. Avec l’IADT (Institut d’Auvergne de Développement des Territoires de l’Université de Clermont-Ferrand) nous avons organisé en juillet 2018 des ateliers sur le thème «Villeneuve-sur-Allier ; après le trafic… le numérique ?» Cela nous a confirmé dans l’intuition qu’il fallait faire de Villeneuve-sur-Allier un «smart village». Avec le programme régional Auvergne Très Haut Débit et la volonté du Département de l’Allier de moderniser le territoire, les voyants étaient au vert… 

Villeneuve-sur-Allier va devenir un village «digital» ? 

Même si ce mot peut faire peur à quelques-uns d’entre nous, ces technologies dites nouvelles ont également leur place dans nos territoires ruraux. L ’idée est d’utiliser le numérique comme un outil de valorisation et de revitalisation du village. Le commerce local est en difficulté ou a disparu. Il faut donc recréer de la consommation locale, si elle ne peut se faire de manière traditionnelle peut-être se fera-t’elle différemment ? Permettre aux habitants de faire leurs courses ici, peut-être via Internet et d’être livrés chez eux ou de passer prendre leur commande en rentrant du travail…. Il faut aussi considérer l’offre agricole locale pour encourager la consommation en circuit-court de produits cultivés sur le territoire. Il faut aussi sans doute créer des lieux pour qu’ils puissent télé-travailler. Nos atouts comme l’arboretum de Balaine, le château de Villars, le château du Riau et les berges de l’Allier peuvent être mieux valorisés en ligne comme destinations touristiques… Dans notre école, le numérique peut apporter beaucoup à nos jeunes habitants et créer une valeur ajoutée qui pousse les parents à les scolariser ici. L’accès aux soins peut aussi être amélioré, notre pharmacie propose déjà des téléconsultations médicales. Mais surtout le numérique doit nous permettre de co-construire le projet avec les Villeneuvois grâce aux forums en ligne et à des échanges en continu qui permettront d’affiner la copie. Plus les Villeneuvois participeront à l’élaboration de leur village, plus ils l’aimeront et le dynamiseront. Avec l’équipe municipale actuelle, nous avons des idées, des pistes, mais ce qui compte c’est ce que les citoyens veulent faire et notre rôle est de les impliquer dans ce magnifique projet. Rares sont les villages qui ont la chance, et parfois le vertige, de partir ainsi d’une feuille presque blanche ! 

Quelle est la suite des opérations ? 

En partenariat avec l’État et le Département, nous avons mandaté un groupement de bureaux d’études pour écrire avec les Villeneuvois notre projet de territoire dans le cadre du programme départemental de «reconquête des centres -bourgs». Des ateliers participatifs sur les thèmes de l’Habitat, de la Vitalité et du Cadre de Vie seront organisés en décembre puis une synthèse sera effectuée au printemps et partagée avec la population. Cette synthèse présentera les actions qui peuvent être conduites et les impacts qui en sont attendus. Ce projet ne doit pas être celui de la Municipalité mais celui des Villeneuvois. Un site Internet dédié, vsa-demain.fr est ouvert et leur permettra de pousser leurs idées, leurs projets, et de contribuer à la reconstruction du territoire. Dans nos petites communes rien ne peut être fait sans les habitants, ils sont notre plus grande richesse. Une fois les actions validées, ils pourront les déclencher, y contribuer et les voir aboutir. C’est une très belle aventure qui commence ! Le 17 novembre, les Villeneuvois pourront être les premiers à arpenter le contournement, à pieds ou en vélo. Nous ouvrirons la route à des voitures de collection, dans l’esprit de la Nationale 7, puis nous nous retrouverons à la salle socio-culturelle pour, collectivement, commencer à dessiner notre nouveau territoire dans le cadre d’un premier atelier participatif ouvert à tous les Villeneuvois ! Et les 9, 10, 11 et 12 décembre nous organiserons des ateliers participatifs en soirées sur les thèmes de l’habitat, du cadre de vie, de la vitalité du village, pour faire remonter les projets et les ambitions des Villeneuvois… 

Anne RIZAND, Directrice de la Direction Départementale des Territoires de l’Allier

Le rôle de l’Etat

Le contournement de Villeneuve-sur-Allier est piloté par l’État. Quelles dispositions particulières sont prises pour accompagner ce type d’événement, et les bouleversements induits par cet équipement pour les communes proches ? 

L’État est conscient des bouleversements que produit ce genre de grands travaux, pilotés par la DREAL (direction régionale de l’environnement et de l’aménagement local). C’est pourquoi la DDT accompagne localement la mise en place des projets qui seront financés dans le cadre du dispositif «1% paysage, développement et cadre de vie». L’élaboration du plan paysage (financé à 50% par l’État) se fait en concertation avec le territoire, un bureau d’études est mandaté, des ateliers sont organisés, c’est un processus systématique dès lors que des grands travaux interviennent. Une fois la stratégie co-construite avec le territoire, un plan d’actions est élaboré puis mis en oeuvre. Le pilotage est assuré par la DREAL mais la DDT l’accompagne localement, pour prendre en compte les spécificités du territoire et les attentes des citoyens, comme nous le faisons actuellement à Varennes-sur-Allier. Le plus important, c’est la concertation en amont et la co-construction. Le contournement de Villeneuve-sur-Allier va supprimer les nuisances, les populations en conviennent, le trafic routier dans le village avait en réalité peu d’impact positif, mais le contournement provoque un vide «perçu», ce qui peut de fait inciter la commune à se réinventer.

L’ingénierie de l’État est très présente auprès des collectivités de l’Allier (plan paysage, ateliers des territoires, reconquête centre-bourg…), une présence qui sera sans doute renforcée dans la philosophie de l’Agence Nationale de Cohésion des Territoires qui doit naître en 2020. Comment l’État regarde-t-il la notion de «smart village» ? 

Le projet de Villeneuve s’inscrit dans une pratique bien ancrée dans l’Allier de partenariat État-Département, l’État s’investit dans les études et l’accompagnement du projet, et avant même la création de l’ANCT, il vient déjà en appui des projets locaux en matière d’ingénierie. L’ANCT pourra apporter un appui supplémentaire, notamment pour favoriser le partage d’expériences, de bonnes pratiques… Sur le smart village, au départ il y a cette question du numérique qui monte en puissance, qui ne se résume pas aux infrastructures-réseaux, mais doit se concrétiser dans tous les usages, notamment en matière de mobilité, d’éco-mobilité. Attention toutefois, le numérique n’est pas une fin en soi, il peut aggraver les inégalités s’il n’est pas «bien pensé», le smart village doit être celui qui, grâce au numérique, fabrique des services, de la cohésion, et donc permet aux populations de s’approprier la technologie et encourage les pratiques participatives permises par les réseaux. Au niveau de la Communauté Européenne, le concept est bien identifié, le smart village devient un outil qui se précise.

Le projet de territoire de Villeneuve-sur-Allier croisant reconquête du centre-bourg et numérique peut-il constituer une sorte de prototype pour l’Allier ? 

Oui, absolument, le croisement des 2 démarches est susceptible de produire des innovations au bénéfice du territoire concerné. Ça intéresse beaucoup l’État, les conseils aux territoires se nourrissent de ce genre d’actions. Nous devons ensuite prendre de la hauteur et regarder «ce qui marche», pour enrichir la réflexion des collectivités, dont certaines manquent d’ingénierie. Le smart village peut proposer une innovation que nous pourrons ensuite diffuser, partager et infuser. Il s’agit là d’une expérimentation très ouverte, nous suivrons l’aventure avec beaucoup d’intérêt. L’État réfléchit actuellement à un programme «petites villes de demain», il pourra certainement se nourrir de ce type d’expériences, voire les soutenir… C’est la vocation de la DDT que d’être en appui des initiatives locales, en particulier sur des territoires ruraux ou périphériques des villes. L’État est très attentif à ces territoires et fera tout pour faciliter la réalisation de leurs projets. C’est rassurant de voir que sur des territoires dits «fragiles», nous avons des élus et des habitants qui se construisent un avenir. 

Claude RIBOULET, Président du Conseil Départemental de l’Allier

La reconquête des centre-bourgs du Département

Président, pouvez-vous nous rappeler les objectifs du plan «reconquête des centres-bourgs» lancé par le Département ?

La reconquête des centres-bourgs et centres-villes est une politique transversale, devant associer l’ensemble des acteurs publics locaux. Le Département, seul, ne peut avoir un effet levier suffisamment important pour mener cette politique. Il entend cependant jouer son rôle de chef d’orchestre des politiques publiques à l’échelle du département, afin d’assurer la cohérence de leur mise en oeuvre au service de l’attractivité et du dynamisme du territoire. D’où la volonté de construire un outil opérationnel commun de «reconquête des centres-villes et centres-bourgs», en regroupant l’ensemble des acteurs publics ou parapublics intéressés par ces questions en vue de rechercher un cadre commun d’intervention et de mutualiser les moyens. Les principaux objectifs du plan sont d’accompagner le fort engagement des communes à s’inscrire dans la démarche et leur volonté de reconquérir leur centre-bourg ou centre-ville ; de réaliser un diagnostic préalable, l’approche globale et de concert étant indispensable ; d’inscrire le projet dans le temps, sa mise en oeuvre dépassant celle du mandat, sous la forme d’un contrat pluriannuel ; de mobiliser les habitants et l’ensemble des acteurs locaux autour du projet dans le cadre d’une concertation accrue ; et enfin de rechercher et mobiliser tous les outils et financements. 37 dossiers ont été déposés, 20 communes ont été retenues en 2018. Concernant Villeneuve, trois orientations ont été identifiées par le Département : habitat, vitalité (commerces, services à la population …), cadre de vie (mobilité, cohésion sociale, prévention, patrimoine, équipements…). Il s’agit pour la commune de développer une approche transversale et globale avec comme objectifs de construire un équilibre entre son rôle de pôle de proximité et de bourg centre, de maintenir une activité commerciale, artisanale, agricole, médicale, de valoriser les potentiels touristiques et de mettre en valeur le patrimoine bâti et non bâti, les espaces publics. L’étude est en cours, la réunion de démarrage s’étant tenue le 9 septembre dernier ; la définition de la stratégie de territoire est prévue pour fin février 2020. Des animations ce sont déroulées le 17 novembre sur la commune afin d’associer la population à l’ouverture de la déviation et lui faire partager le projet de reconquête à venir. La mise en ligne d’un blog-projet est également actée pour informer et faire participer les habitants à l’avancée du projet. 

Villeneuve-sur-Allier a décidé d’intégrer un important volet numérique dans son projet de reconquête, une stratégie «smart village». Qu’en pensez-vous ? 

C’est essentiel pour notre département. Il s’agit d’offrir à nos communes la possibilité de rester connectées et de s’adapter au 21ème siècle en mettant l’intelligence technologique au service du collectif et du territoire. En tant que Président du Conseil Départemental et Président de la commission «numérique» à l’association des départements de France (ADF), je défends toute initiative favorisant l’inclusion numérique citoyenne qui passe nécessairement par des villes et villages possédant des infrastructures adaptées. 

Le contournement de Villeneuve-sur-Allier est un événement attendu depuis longtemps, y voyez-vous une opportunité de relancer une dynamique touristique autour de la RN7 historique dans l’Allier ? 

Depuis mon arrivée à la tête du Conseil Départemental, j’ai fait de la valorisation des patrimoines bourbonnais une priorité en faveur de l’essor économique de l’Allier, mais aussi et surtout de l’affirmation de sa fierté d’appartenance. Mise en place de la commission valorisation des patrimoines, vote du gentilé, programme de mise en lumière, sont autant d’actions tournées vers la valorisation du territoire et de ses habitants. Le travail de la commission, dont le but est d’identifier les pépites et de proposer des pistes concrètes et pertinentes de mise en valeur, se poursuit. La RN7 traverse notre département et constitue naturellement une composante à part entière de nos patrimoines. Elle est un vecteur d’attractivité touristique, comme peut en témoigner le succès du grand embouteillage de Lapalisse. Elle fait partie à ce titre des pistes de réflexion de la commission. J’insiste par ailleurs sur un aspect fondamental du projet de reconquête : sa force réside dans sa capacité à intégrer et faire tenir ensemble, en toute cohérence, un faisceau d’initiatives elles-mêmes subordonnées à un seul objectif de dynamisme et d’attractivité. Le programme de revitalisation intègre ainsi la réflexion sur le meilleur moyen de valoriser la traversée par la RN7 historique, mais va au-delà en interrogeant les manières de réinvestir le bourg. Il faut aussi bien attirer de nouvelles personnes, que donner un cadre de vie meilleur aux habitants. Ce qui compte pour le Département, c’est avant tout de soutenir les projets des communes. Le Département encourage et s’appuie sur l’initiative locale pour faire réussir l’Allier.